En 2008 (LP107), j’avais proposé un « marché » à la cour d’appel : « Si vous nous relaxez tous les sept, je cesserai de barbouiller… pendant un an. » Ça n’avait pas marché. En 2010, sans que nous l’ayons demandé au jugeOlivier Géron, il nous avait relaxés (LP121). Le collectif (de Paris) avait décrété une trêve de trois mois, le temps pour le gouvernement de mettre un terme à l’agression publicitaire. Celui-là n’ayant rien fait, les actions ont repris ; à juste titre, d’ailleurs, la relaxe devant être annulée en appel en 2012. Le 25 février 2013, nous n’avons rien demandé à la juge Évelyne Sire-Marin, qui semblait comprendre notre action (LP138). À l’approche du rendu de son jugement le 25 mars, j’ai proposé au Collectif (national) de décréter une trêve d’un an en cas de relaxe ; nous n’avons pas eu le temps de prendre vraiment la décision. Dans mon for intérieur, j’avais donc résolu d’annoncer une trêve personnelle, le cas échéant. Le cas s’étant présenté, j’ai, à la barre, annoncé ma décision à la juge.
Une décision plus morale que stratégique. Pas plus dans la non-violence que dans la violence, l’escalade n’est souhaitable. La relaxe accordée par la présidente, aussi courageuse politiquement que professionnellement –Mme Sire-Marin ne mérite-t-elle pas d’avoir un jour sa statue parmi les nôtres, aux côtés de celle de son confrère Olivier Géron ? –, marque une reconnaissance officielle de notre cause et de notre désobéissance par l’institution, judiciaire en l’occurrence. La vie étant concession, échange, équilibre, petits pas l’un vers l’autre, il est juste de féliciter en retour l’institution en lui prouvant que notre désobéissance n’est pas compulsive, mais raisonnée. Les institutions, ces rouages de la vie en société, ne valent que si elles sont sans cesse affûtées, entretenues, assainies, sans attendre que d’autres le fassent à notre place. Si les juges sont indépendants, ils ne sont pas neutres : comment juger en faisant abstraction de ses propres convictions ? La justice est une loterie : juge hostile aujourd’hui, demain favorable. Doit-on reconnaître du mérite à notre juge, ou bien que nous avons eu de la chance ? Il fallait marquer le coup.
Fin mars 2014, si le problème de l’agression publicitaire n’a pas été résolu entre-temps par le gouvernement et le parlement, je reprendrai les barbouillages, dans les conditions actuelles de ma participation au Collectif des déboulonneurs.
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